21 mai 2021

Web-séminaire #9-2 (18/05/2021) Corentin Siri (ICB)

Le GdR Concord (COuplage méCanique Oxydation Diffusion) lance une série de web-séminaire au rythme mensuel. Le séminaire porte sur les travaux des lauréats des « prix doctorant » proposés par le GdR ConCord.

Animateurs: Benoit PANICAUD (ICD) et Vincent MAUREL (CdM)

Corentin Siri (ICB), Fabrication additive de l’acier inoxidable austénitique AISI 316L: impact de la microstructure sur la durabilité à haute température (résumé et CV ci-dessous)

Exposé #2 : Corentin Siri (ICB)
Fabrication additive de l’acier inoxidable austénitique AISI 316L:
Impact de la microstructure sur la durabilité à haute température

Un des enjeux technologiques actuels dans l’industrie consiste à optimiser la mise en forme des pièces, qu’elles soient en plastique, céramique, ou métallique. Pour les matériaux métalliques et céramiques, les processus de Fabrication Additive (FA) construisent, à partir d’un modèle numérique 3D, des pièces tridimensionnelles en ajoutant progressivement des couches de matière. Cette caractéristique unique permet la production de pièces très complexes ou personnalisées directement à partir de la conception, sans avoir besoin d’étapes de mise en forme complexes et parfois coûteuse nécessitant l’usage de poinçons, de matrices ou de moules de coulée. La pièce peut donc être réalisée en une seule étape, éliminant ou réduisant la nécessité d’assembler plusieurs composants et limitant également le temps de production de pièces à géométrie complexe [1-4]. C’est pour ces raisons que la Fabrication Additive est maintenant largement acceptée comme un nouveau paradigme pour la conception et la production de composants hautes performances pour les applications aérospatiales, médicales, énergétiques et automobiles [2].
L’objectif de la thèse réalisée au sein de l’équipe M4OXe du laboratoire ICB (UMR 6303 CNRS) est de fournir des réponses sur l’impact de la microstructure d’alliages métalliques élaborés par FA sur leur tenue en oxydation à haute température. En effet, malgré un intérêt croissant du nombre d’études portant sur les matériaux issus de la FA, très peu de travaux font état de leur résistance face à la corrosion à haute température. La majeure partie des recherches publiées se concentrent principalement sur l’impact des différents paramètres de fabrication sur le comportement mécanique de ces nouveaux matériaux.
L’acier inoxydable austénitique AISI 316L a été choisi comme matériau d’étude pour cette thèse. Cet acier est l’un des plus étudiés dans la littérature liée à la fabrication additive, car largement utilisé dans l’équipement marin, le biomédical, l’industrie nucléaire ou l’industrie pétrolière en raison de sa
combinaison de bonnes propriétés mécaniques et d’une bonne résistance à la corrosion [3-4]. Le comportement à haute température de l’acier 316L fabriqué par le procédé SLM (Selective Laser Melting) est évalué et comparé à celui de la même nuance provenant de la métallurgie classique (laminage). Des échantillons de 316L sont oxydés à 800 et 900°C sous diverses atmosphères (air sec de bouteille, air de laboratoire, air enrichi en vapeur d’eau) et en diverses conditions (exposition
isotherme ou cyclage thermique) pendant des périodes allant jusqu’à 20 000 heures. Un résultat très intéressant a pu ainsi être mis en avant : les échantillons SLM ont un comportement nettement meilleur que les échantillons laminés et ce dans toutes les conditions étudiées jusqu’à présent. Les couches d’oxyde sont nettement plus fines dans le cas des échantillons SLM et sont composées uniquement de phases assurant une protection de l’acier à long terme, contrairement aux échantillons laminés. Ces observations sont illustrées dans les Figure 1 et 2 présentant l’évolution dans le temps des prises de masses surfaciques des échantillons SLM et laminés oxydés respectivement pendant 100 h sous air sec entre 700 et 1000°C et sous air de laboratoire à 900°C jusqu’à 5000 heures.

Figure 1 : Prise de masse surfacique en fonction du temps d’oxydation sous air de bouteille associée aux images MEB en coupes transverses des couches d’oxydes des échantillons après 100 h d’exposition à 700, 800, 900 et 1000°C
Figure 2 : Prise de masse surfacique en fonction du temps d’oxydation sous air de laboratoire à 900°C associée aux images MEB en coupes transverses des couches d’oxydes des échantillons après 1000, 3000 h et 5000 h d’oxydation à 900°C

Pour expliquer ce comportement très original, la caractérisation des matériaux avant oxydation a été effectuée : analyses de texture cristalline, détermination des contraintes résiduelles, évaluation de la taille des cristallites, mesures de microdureté. En parallèle, l’évolution des substrats après oxydation à haute température a été caractérisée par analyses chimiques et mesures de microdureté. Ces analyses ont permis d’appréhender le facteur qui semble déterminant dans la différence de réactivité des deux types de matériaux : un taux de dislocations nettement plus élevé dans le cas du matériau SLM que dans l’acier laminé (figure 3) qui favoriserait une meilleure diffusion du chrome du volume vers la surface de l’échantillon métallique (figure 4) assurant ainsi la formation d’une couche d’oxyde protectrice (Cr2O3). De plus, les nano-inclusions, présent en très grand nombre au sein du substrat SLM, pourraient également expliquer la meilleure résistance à l’oxydation haute température de l’acier AISI 316L élaboré par SLM. En effet, les mesures de dureté effectuées au cœur des échantillons SLM oxydés à 900°C sur des temps allant jusqu’à 5000 heures sous air de laboratoire montrent des valeurs largement supérieures à la dureté de référence de l’acier 316L complètement recristallisé, suggérant un taux de dislocations élevé même après de longues durées d’exposition à haute température. Afin de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse, des caractérisations par microscopie électronique en transmission (MET) et par diffraction d’électrons rétrodiffusés (EBSD) des échantillons oxydés ont été réalisées afin d’évaluer l’évolution du taux de dislocations et des nano-inclusions durant le vieillissement à haute température.

Figure 3 : Images MET des microstructures avant oxydation des échantillons (bleu) laminé et (rouge) SLM
Figure 4 : Évolution de la teneur en Cr dans les substrats métalliques (a) laminé et (b) SLM en fonction de la distance de l’interface oxyde-métal après vieillissement pendant 1000 h à 900°C sous air de laboratoire

En parallèle, les mécanismes d’oxydation des deux types d’échantillons seront déterminés par expériences de marquage isotopique. L’ensemble de ces analyses permettront une caractérisation complète des deux types d’échantillons afin de comprendre le réel impact de la microstructure sur la durabilité à haute température de l’acier AISI 316L.

[1] F. Bartolomeu et al. Addit. Manuf. 16 (2017) 81–89.
[2] W.M. Tucho, V.H. Lysne, H. Austbø, A. Sjolyst-Kverneland, V. Hansen, J. Alloys Compd. 740 (2018) 910–925.
[3] Z. Sun, X. Tan, S.B. Tor, W.Y. Yeong, Mater. Des. 104 (2016) 197–204.
[4] R. Casati, J. Lemke, M. Vedani J. Mater. Sci. Technol. 32 (2016) 738-74té de Génie II